Noa sursauta. Des hommes en capuches noires apparaissaient à travers la brume, leurs visages dissimulés, portant des torches éteintes.
— Tu n’aurais pas dû venir ici, murmura l’un d’eux d’une voix grave. Ce lieu appartient à ceux qui savent se taire.
Noa, pétrifié, recula.
— Je… je ne voulais pas… Je vais partir, je vous le promets !
Mais les hommes s’avançaient encore.
Puis soudain, une voix forte fendit la nuit.
— Chad, assez ! Je vous avais dit de ne plus faire vos rituels idiots dans MON cimetière !
Un homme imposant, la cinquantaine, bien vêtu malgré l’heure tardive, s’approcha des adolescents encapuchonnés.
— Dégagez avant que je prévienne vos parents ! Encore vous et vos histoires de secte, je vous jure…
Les garçons marmonnèrent avant de s’éclipser.
Le vieil homme s’agenouilla devant Noa.
— Tout va bien, fiston. Viens, tu ne devrais pas rester seul ici.
Il s’appelait Monsieur Ravel. Le gardien du cimetière. Il conduisit Noa à sa petite cabane, lui servit du chocolat chaud, puis s’assit.
— Tu veux me dire ce qui t’amène ici, à cette heure ?
Alors Noa parla. Il parla de son frère, de ses parents, de la douleur, du vide. De cette maison trop lourde pour lui. Ravel l’écouta sans jamais l’interrompre, hochant la tête, parfois en silence, parfois avec un soupir.
Pendant ce temps, chez les parents de Noa, la panique éclata enfin.
Clémence venait de réaliser que Noa n’était plus dans son lit. Victor, qu’elle n’avait pas vu depuis leur dispute, ne répondait pas à ses appels. Elle retourna la maison, sortie dans la rue, questionna les voisins.
Il fallut plus d’une heure avant qu’un agent de police ne les appelle : un gardien avait trouvé un petit garçon au cimetière.
Quand Clémence arriva, suivie de Victor, le couple découvrit leur fils endormi sur un vieux fauteuil, une tasse vide à la main. Monsieur Ravel les reçut, les observa longuement.
— Il ne s’est pas perdu, dit-il. Il est venu ici parce qu’il voulait fuir quelque chose de pire.
Clémence s’effondra en larmes. Victor baissa la tête. Ils comprirent, enfin, ce qu’ils avaient oublié : que Noa souffrait lui aussi. Que leur chagrin n’avait pas effacé le sien. Qu’ils avaient deux fils… et qu’un seul était encore là.
Ce soir-là, la famille rentra ensemble.
Clémence tint la main de Noa tout le long du chemin. Victor posa un manteau sur ses épaules. Aucun mot ne fut échangé dans la voiture, mais un silence nouveau s’installa. Pas un silence vide, mais un silence prometteur. Celui qui précède les excuses, les promesses, et peut-être… la guérison.