Les semaines ont passé, lentes et brumeuses. Emily et moi échangions à peine, quelques textos, quelques photos. Rien de plus. J’ai mis ça sur le compte de la maternité, de la fatigue. Mais quelque chose ne collait pas. Lors de notre dernier appel, sa voix était tremblante, précipitée. Et je n’ai pas osé creuser.
Elle vivait avec notre mère. Maman, 84 ans, qui s’effaçait un peu plus chaque jour. Je pensais qu’Emily avait de l’aide. J’espérais. Mais l’aide, parfois, ce n’est qu’un mot.
Puis il y a eu ce soir-là. J’avais à peine posé ma tasse de thé que le téléphone a sonné.
— Maman est partie, a dit Emily.
Je suis restée figée.
— Elle est morte dans son sommeil.
Le salon de maman sentait toujours ce parfum mêlé de cèdre et de souvenirs d’enfance. Mais ce matin-là, la maison était trop silencieuse. Pas de rires. Pas de voix. Juste nous deux, assises sur ce vieux canapé fleuri, comme des enfants punies, attendant que le monde se remette en marche.
L’avocat ouvrit un dossier devant nous. Et dans ce dossier, il y avait tout ce que maman avait laissé – pas seulement des biens, mais des secrets, des choix, des cicatrices.
Et c’est là, à ce moment précis, que j’ai compris : parfois, ce n’est pas la naissance ni la mort qui change tout. C’est ce qui reste entre les deux. Ce qu’on ne dit pas. Ce qu’on ne partage pas. Et ce qu’on décide, enfin, d’affronter.
